La dissertation, nouvelle de Xavier Hart

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Comment lire les chapîtres du roman

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Début de la nouvelle

Avant propos

Si vous avez eu l'immense avantage de fréquenter le lycée Claude Bernard, il y a bien longtemps, il se peut que vous reconnaissiez certains de vos professeurs. Comme cette histoire vraie est à peine romancée, j'ai tenu à les appeler par leur nom d'origine. Tant pis s'ils se reconnaissent, je pense que maintenant, il y a prescription et que, s'ils ne sont pas tous morts, ils ne me feront pas de procès.

La composition de français

On avait ce matin, trois heures de français. Je n'aimais pas ce professeur, qui me semblait pédant et inhumain. Il s'appelait Carnoi et nous l'avions surnommé Narquois, ça lui allait mieux. Et puis, je l'avais déjà eu en sixième, il nous faisait le français et le latin. Il avait ses chouchous, qui correspondaient souvent aux enfants des familles aisées du 16 ième arrondissement. Comme je regrettais cet enseignant de l'année dernière, qui nous avait fait découvrir cette littérature du 19 ième siècle, avec l'époque romantique, puis le réalisme de Zola et le symbolisme de Malarmé. Il m'avait donné ce goût de la lecture et je dévorais avidement les nouvelles et les romans en ligne de la bibliothèque électronique de Lisieux.

Mais cette année, quel contraste! On passait notre temps à des explications de textes, des analyses grammaticales, des dictées à la Bernard Pivot...enfin, du travail scolaire sans émotion, sans âme. On apprenait à faire des dissertations, en respectant toujours le même plan. Il fallait analyser le texte, le style, donner un avis pour ou contre, faire des citations... Rien de très passionnant. Pas de place à l'imagination!

De quoi allait-il encore nous assommer aujourd'hui, pendant ces trois heures? -Asseyez-vous. Vous allez utiliser cette matinée, pour écrire une nouvelle. Ce sera l'objet de la composition du deuxième trimestre. -Je noterai les copies, en tenant compte du style et de l'originalité de votre inspiration. -Je vous laisse le choix libre, pour écrire une fiction, une nouvelle policière, un récit fantastique... Il s'est alors assis à son bureau, bien content de n'avoir rien à faire d'autre, que de surveiller les éventuels copieurs. C'est bien la première fois qu'il nous laissait libre de choisir une histoire inventée de toute pièce.

Je restais un instant sans écrire, cherchant l'inspiration. Je procédais par élimination. Ecrire un roman fantastique ou d'anticipation, il n'en est pas question. C'est un genre que j'apprécie moins que les nouvelles sentimentales ou réalistes. Pourquoi pas une nouvelle historique? Ce n'est pas assez original! Il en profitera pour me saquer, comme d'habitude.

Une bonne idée pour ma copie

Ca y est, j'ai trouvé un bon filon. Il n'en reviendra pas et j'en ris à l'avance. Je vais bien l'attraper. Je commence par une citation, c'est toujours bien vu dans une copie. -Comme l'a dit le romancier Joris Auguste Ouissemanse "les bourgeois ont inventé la pauvreté, pour se donner bonne conscience" C'est une citation "bidon", et l'orthographe du romancier est quelque peu modifiée, mais je trouve que ça sonne bien. J'espère simplement qu'il ne pensera pas que je me moque de lui, sinon gare aux coups de bâtons!

Voici maintenant un résumé de ma nouvelle, car il serait un peu long de vous donner ici le contenu de mes quatre copies doubles : Clotilde ouvre doucement la porte d'entrée, pour ne pas se faire voir de ses parents, qui vont encore l'accabler d'injures. Il faut dire que depuis que sa mère s'est mise avec ce type sale et grossier qui boit plus que quiconque, elle appréhende les retours à la maison. -Combien t'as rafflé de sous aujourd'hui, crie-il en l'appercevant sur la porte? Clotilde n'avait pas osé mendier et rentrait sans un sous. T'es bonne à rien, si ça continue, j'te fous dehors, tu pourras faire la p... J'ai encore fait un effort pour toi, t'iras demain chez un peintre, qui te prendra comme modèle. C'est pas compliqué, tu te déshabille et puis voilà, et puis tu m'amène les sous!

La pauvre Clotilde était toute tremblante. Jamais elle ne pourrait faire cette besogne. Mais elle avait une peur bleue de son beau-père, qui l'avait déjà battue pour moins que cela. Il avait même essayé de la violer, un soir qu'il était rentré ivre mort.

Le lendemain, elle se présente chez le peintre, toute tremblante à l'idée de se mettre toute nue devant lui. Celui-ci, que nous appelerons Gacougnol, était un brave homme d'une soixantaine d'année. Il lui dit qu'il était venu hier un homme sordide, qui lui avait proposé un "modèle". Est-ce vous, mademoiselle? Vous êtes bien jeune et vous semblez terrorisée! -Oui monsieur, dit la pauvre fille, rouge de honte. Mais ce type qui est venu, c'est votre père? Clotilde lui décrit alors sa vie de souffrance, martyrisée par sa mère et son beau-père, l'insalubrité du taudis où elle vit, la promiscuité de cette unique pièce dans laquelle elle n'a même pas un petit coin pour s'isoler...

Gacougnol est ému jusqu'aux larmes. Mon enfant, vous ne pouvez pas retourner dans cet endroit. Et s'ils viennent vous reprendre, je les en empêcherai. Je vais commencer par vous acheter des habits corrects, pour remplacer vos guenilles, et nous irons au restaurant, car je crois que vous n'avez rien mangé depuis bien longtemps...

-Vous allez penser que cette histoire va se terminer comme un conte de féé! Vous vous trompez, car malgré la bonté de Gacougnol, le destin s'acharne sur le pauvre monde et la vie de Clotilde fut encore plus misérable que ce qu'elle avait vécue jusque là.

Quelques temps plus tard, le beau-père est revenu pour récupérer Clotilde, en menaçant le peintre, tout en lui apprenant qu'il était allé à la police, pour lui signaler un détournement de mineur. Il fallait qu'il lui rende Clotilde le soir même, avec en plus une grosse somme d'argent, pour l'indemniser du manque à gagner que lui avait occasionné son enlèvement. Gacougnol dit à Clotilde qu'il irait seul ce soir et qu'il s'expliquerait avec sa mère, plus facilement qu'avec cette ordure. A peine arrivé à la porte du taudis, voyant qu'il était venu seul sans Clotilde, le beau-père se précipita sur lui avec fureur, en le frappant de coups de couteau, qui laissèrent le peintre sans vie sur le trottoir.

Le couple d'assassins se retrouva en prison et Clotilde complètement abandonnée, seule et sans argent, aurait fini sur le trottoir, si personne ne l'avait remarquée. Un jeune ami du peintre, presque aussi démuni qu'elle, la prit en affection -Je passe sur les années de galère de ce pauvre couple, qui s'installa dans une location encore plus insalubre que le taudis de son enfance. L'odeur qui y régnait était pestilentielle et l'humidité suintait sur tous les murs. Au bout de quelques semaines, leur petit enfant attrapa une maladie mystérieuse et en mouru. Le voisinage se mit à laisser entendre qu'ils avaient tué leur petit...

-Vous allez me dire que mon histoire tourne au mélodrame, qu'il n'est pas possible d'accumuler tant de détresse, que rien de tout cela ne peut arriver... Et pourtant, je n'ose même pas vous dire que le compagnon de Clotilde, qui était parti chercher un docteur, la nuit où le petit était si mal, avait péri dans les flammes, en sauvant des malheureux pris dans l'incendie de l'opéra.

-Je me relus, repris quelques tournures maladroites, puis je remis ma copie, finalement assez content de l'idée que j'avais échafaudée. Je suis sûr du coup de théatre qu'il y aura, le jour de la correction de la composition.

Les résultats de l'épreuve

Une semaine plus tard, voici venir le grand jour! Carnois s'assit à son bureau, le paquet de copies sous les yeux. Il avait l'habitude de donner les résultats, en commençant par la meilleure copie. Monsieur Allard, je vous ai mis 16 sur 20. Vous avez appelé votre nouvelle "Dieu s'amuse". Déja le titre est original, c'est bien. Mais j'ai trouvé que l'idée de faire jouer Dieu à la toupie, c'est très fort, d'autant plus que la terre tourne comme une toupie!

-Allard était le fils du directeur de l'école universelle, un cours privé du boulevard Exelmans. Il arrivait au lycée tous les jours, conduit par un chauffeur et sapé comme un dandy, avec, s'il vous plait, des gants blancs par dessus le marché! Malgré son environnement familial, qui faisait partie de la grande bourgeoisie du 16 ième, il restait assez naturel, et bien qu'il ne faisait pas partie de mes copains, il était d'une compagnie agréable. C'était mon voisin de table et nous échangions souvent nos impressions sur ce prof de français, qu'il trouvait,comme moi, plus que "faux-cul". Pendant que celui-ci commentait sa composition, Allard me dit à l'oreille, qu'il n'avait rien inventé. Il avait piqué l'idée dans une nouvelle d'un auteur belge peu connu, qu'il avait lue la veille. Il y avait peu de chance que le prof s'en aperçoive. Mon voisin était tout content d'avoir piègé une fois de plus cetagrégé si peu perspicace et qui n'avait somme toute, rien lu hormi la littérature du programme scolaire imposé par le ministère. Il se garda bien de lui faire part de sa méprise et moi, je commençais à être tout excité à l'idée de la surprise que j'allais produire sous peu.

Les copies défilaient, les notes descendaient de plus en plus, et toujours pas ma copie! Pourtant, quand je comparais mon histoire à celles des autres, il me semblait que je méritais mieux. On arrivait à la dernière copie, quand ce petit prof s'illumina d'un sourire sarcastique, je dirais même plus, d'un sourire sadique. Voici enfin la copie de Monsieur Hart, pour laquelle j'ai mis, avec complaisance, la note de 2 sur 20. Je ne pus m'empêcher un "merci beaucoup, c'est trop". Et il commença ses commentaires, avec des intonations méprisantes, que je croyais faites pour que je me mette hors de moi.

Votre citation, au début de votre copie, m'a donné l'impression que vous alliez vous distinguer, contrairement à votre habitude. J'ai écrit dans la marge, un "bien pour une fois". J'aimerais vous dire, Monsieur, que cette citation... Mais il me coupa sèchement, en disant que je parlerai quand il aura fini.

Il se moqua de mon style, qui relevait plus des habitants des cités que de la littérature, que l'on comprenait tout de suite, en me lisant, que je n'avais pas d'éducation, que les phrases étaient sans recherche, sans poèsie...

Enfin il lut à haute voix les passages les plus tristes du récit, avec des mimiques grotesques destinées à me mettre plus bas que terre. Je restais impassible jusqu'à la fin de son réquisitoire et il semblait un peu surpris que je ne me sois pas emporté.

Même les premiers de la classe trouvaient qu'il avait exagéré dans ses provocations. Certains avaient été emus par l'accent dramatique de la nouvelle, qui contrastait avec leurs récits académiques, certes mieux présentés, mais dénués d'humanité. -Vous vouliez faire une remarque tout à l'heure, alors allez y, mais rapidement.

Ma petite revanche

En me levant, je dis, avec gravité : Je voulais apporter une précision, à propos de lacitation, que je vous remercie d'avoir appréciée. Eh bien, elle est "bidon", monsieur "narquois" -Je vous prie d'être poli, monsieur Hart... Excusez-moi, ça m'a échappé. La salle se remplit d'un rire étouffé.

-Mais avec tout mon respect, monsieur Carnois, je tiens à vous dire que vous avez donné la note de 2 sur 20 à Léon Bloy. Evidemment, je crois volontiers que cet auteur ne fait pas partie de votre bibliothèque, et que ce n'est pas la littérature que l'on commente dans les leçons de l'agrégation, mais ce pauvre Léon Bloy méritait mieux!

Un peu piqué au vif, il s'empressa de claironner : -Je sais, Hart, que les gens de votre condition n'aime pas les professeurs agrégés, mais vous feriez mieux de travailler, pour sortir de votre médiocrité, plutôt que de colporter ce que vous avez entendu chez vous.

-Monsieur, je m'adresse à vous; je ne parle pas des agrégés en général. D'ailleurs monsieur Poirier, mon professeur d'histoire et de géographie de l'année dernière est agrégé, il me semble, et il fait mon admiration et celle de mes camarades. Moi qui croyait, avant de le connaître, qu'il ne servait à rien d'apprendre l'histoire! Comme il nous a passionné, quand il amenait les événements, après avoir décrit le caractère et les états d'âme des acteurs qui ont joué un rôle important sur le cours de l'histoire.

-Vous voulez parler de ce communiste exhalté, qui a eu le prix Goncourt? C'est lui qui vous a fait tourner la tête! -Je ne sais pas si Julien Gracq est communiste "exhalté, comme vous le dites, et s'il m'a fait tourner la tête, mais je suis sûr que pour vous, personne ne se retournerait!

Un silence pesant se fit dans la classe. Mon voisin me souffla : Laisse tomber, tu vas avoir des ennuis, tu sais bien qu'il est "con comme un balai". Mais toujours maître de moi, je rassemblais dans mon esprit, la petite surprise que je lui avais préparé.

-Vous savez à quel point j'ai des lacunes en français, mais je n'ai pas eu la chance de vivre dans un environnement favorable à mon épanouissement littéraire. Je vous prie de m'excuser, si je fréquente les gens de la cité du 183 boulevard Murat, plus souvent que les habitants de la rue Mozart. Pourtant, ne croyez pas que je n'aime pas la lecture et le français, quand il est bien parlé.

Quelques conseils de lectures instructives

J'ai découvert, après Maupassant, ces écrivains symbolistes de la fin du 19 ième siècle. Ils n'étaient pas académiciens, ni agrégés, mi bourgeois... mais ils écrivaient ce qu'ils ressentaient, ce qu'ils avaient vécu; c'est pourquoi leurs romans sont si véridiques, contrairement à ce que vous en pensez.

J'aurais pû vous parler de "Caïn Marchenoir" qui a sorti Véronique de la prostitution, pour en faire presqu'une sainte. Vous auriez appris comment cette pauvre fille s'est défigurée, quand elle s'est rendue compte que Marchenoir commençait à avoir pour elle une attirance physique, qui lui rappelait son ancienne vie, et comment elle finit folle, enfermée à Sainte Anne. Bien sûr, vous direz encore que c'est du mélo de bas étage sans vérité,

mais si vous aviez lu le désespéré de Léon Bloy ou la femme pauvre de Léon Bloy, la bibliographie de Léon Bloy vous aurait appris que Marchenoir était l'auteur lui-même, et que Véronique était sa femme. Ah! comme les critiques et les maisons d'édition de son temps se sont acharnés, comme vous aujourd'hui, "monsieur l'érudit", sur ces infortunés écrivains anticonformistes!

Comme vous ne semblez pas avoir tout lu de cette littérature, je vous ai préparé une liste des livres que j'ai empruntés dans ma bibliothèque de quartier. Ce ne sont que des oeuvres du domaine public, car les droits d'auteurs restent encore chers pour les petits budjets.

Liste de mes romans favoris, que vous lirez avec plaisir, j'en suis convaincu

Je n'ai pas trouvé ces livres à la bibliothèque du lycée, mais cela s'explique, car c'est vous qui choisissez les ouvrages et l'on sait bien que ce n'est pas votre culture. Je pourrais encore vous parler de ce romancier belge andré Baillon, qui est mort méconnu, à l'hopital de la Salpétrière, après 2 tentatives de suicide, dont la seconde lui a été fatale, de son "histoire d'une Marie" ou du "perce-oreille du Luxembourg", mais à quoi bon!

Un professeur aussi "brillant" que vous, devrait avoir l'esprit assez ouvert pour s'intéresser à tous les courants de la littérature!

La sanction

Pendant que je parlais calmement, il était devenu de plus en plus pâle et son ricanement avait disparu. A la dernière phrase, il bondit hors de son bureau, comme un diable qui sort d'une boîte, poussé par des petits ressorts.

Il s'approcha de ma table, une règlette en bois à la main et me toisa de toute sa hauteur. Il me paraissait encore plus minable que d'habitude -Tous les élèves retenaient leur souffle. Certains pensaient : Ah! quel audace il a ce type, c'est admirable, comme il lui a cloué le bec, et sans jamais perdre son sang-froid, avec des phrases qui font mouche! Que va-t-il lui arriver? Il n'a rien fait de mal, il n'a dit que des vérités!

Tout en tapotant nerveusement sur la table avec sa règle, on entendit : Prenez vos petites affaires, vous entendez... et en tapant de plus en plus vite et de plus en plus fort : Rassemblez vos petites affaires et sortez, vous entendez, sortez!!! Vous aurez un blâme, vous serez renvoyé pendant 2 jours... Vous êtes un grossier personnage!

Le chef de classe tenta un "mais monsieur, il n'a pas été impoli". Tous étaient consternés et si on leur avait demandé un jugement, sans aucun doute, c'est le prof qui aurait été condamné.

J'ai été exclu du lycée comme c'était prévisible, mais ni mes parents, ni le proviseur ne m'ont fait de reproches. Il y a eu même mieux, quand le proviseur me convoqua la semaine suivante. J'ai tout appris, me dit-il, par les parents de l'élève Allard. Leur fils avait été marqué par votre punition injustifiée et avait tout expliqué à sa famille. Monsieur Allard est venu spontanément me dire tout ce qu'il pensait de ce professeur. Puis il m'a donné un gros chèque, pour acheter tous les livres de votre liste, Xavier Hart, pour la bibliothèque de notre lycée.

Cette histoire vrai de mon adolescence m'a éloigné pour longtemps de la littérature. Je me suis lancé vers des études de mathématiques, en pensant trouver, dans cette discipline, plus d'objectivité. La suite me montra que non, mais ce sera pour une autre histoire.

Maintenant que je suis loin de ces années d'illusion, je me suis mis à fréquenter les ateliers d'écriture. J'ai montré ce petit texte à Muriel, une jeune professeur agrégée de philosophie. Elle m'a dit que ce n'était pas si mal, pour un début et que mon "potache" avait comme sa concierge, "l'élégance du hérisson". Elle m'a souhaité de rester au palmarès de mon site d'écrivains aussi longtemps que son roman. Quel encouragement! Il y a des agrégés vraiment "sympa" et comme les temps ont changé!

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